Le Racing Club de Lens se trouve à un tournant délicat de son projet. À quelques semaines du mercato d’été, le club artésien est privé de son entraîneur, mais aussi de son directeur général et de son directeur sportif. Une instabilité inédite depuis le retour en Ligue 1 en 2020, et qui interroge sur la direction prise par Joseph Oughourlian.
Le président lensois Joseph Oughourlian a confirmé ce que certaines rumeurs indiquaient ces dernières semaines : la fin de collaboration avec deux des figures clés de l’organigramme sportif, Pierre Dréossi et Diego Lopez. Le premier, Directeur général arrivé en cours d’exercice pour stabiliser la gouvernance du club, s’apprête à quitter ses fonctions d’un commun accord avec la direction.
Plus marquant encore est le départ de Diego Lopez, directeur sportif en poste depuis 2022, reconnu pour son rôle dans le redressement financier du club. Sa capacité à vendre des joueurs à haute valeur ajoutée, notamment lors du dernier mercato hivernal (Brice Samba, Kevin Danso, Abdukodir Khusanov) avait donné une marge de manœuvre au club, sans pour autant compromettre totalement sa compétitivité. Mais ces efforts ont semble-t-il caché un désaccord plus profond : celui de la vision stratégique portée par la direction.
Selon les informations de L’Équipe, Diego Lopez ne partageait plus l’approche sportive du président, notamment en termes de recrutement et de marge de progression. Son départ rapide en dit long sur la difficulté pour Lens de maintenir une cohérence sportive tout en équilibrant ses comptes.
Comme si cela ne suffisait pas, le club nordiste est également confronté au départ anticipé de son nouvel entraîneur, Will Still. Le technicien de 31 ans, tout juste arrivé après une expérience formatrice avec Reims, a préféré rompre son engagement pour des raisons personnelles, à savoir se rapprocher de sa compagne outre-manche. Un retour assumé en Championship lui tend les bras avec Southampton.
Ce coup dur plonge Lens dans une instabilité peu commune. Non seulement le staff technique est à reconstruire intégralement, mais cette désertion met en lumière une possible absence de continuité dans le projet global. À moins de trois semaines de l’ouverture du marché des transferts, la situation devient urgente.
Le timing de ces annonces pose un problème majeur. Sans entraîneur ni hiérarchie sportive, Lens aborde les semaines qui viennent dans un flou préoccupant. Le travail préparatoire du mercato repose normalement sur l’ajustement entre besoins sportifs et objectifs économiques. Mais qui tranchera maintenant ? Qui portera la voix du club dans d’éventuelles négociations de transferts entrants et sortants ?
Les départs hivernaux, en particulier ceux de Samba et Danso, doivent désormais être compensés. Mais au-delà des remplaçants, c’est l’identité de jeu et la logique de recrutement qui risque de basculer. Si un nouvel entraîneur est nommé dans l’urgence, aura-t-il les moyens de constituer un effectif à son image ? Et surtout, quelle sera la vision de ce futur responsable sportif ?
Le grand risque, c’est l’improvisation. Dans un championnat où la stabilité de clubs comme Nice ou Rennes commence à porter ses fruits, Lens pourrait payer très cher cette désorganisation interne.
Ce qui se passe à Lens aujourd’hui ressemble à l’éclatement silencieux d’un équilibre précaire. Depuis sa montée, le club avait bâti un modèle reconnu, alliant soutien populaire, football ambitieux et maîtrise budgétaire. Mais en écartant Dréossi et Lopez, Oughourlian semble vouloir une reprise de contrôle verticale, incarnée autour de sa seule volonté.
Il est légitime pour un président d’avoir sa vision. Mais Lens ne doit pas se transformer en laboratoire à stratégies sans colonne vertébrale. Sans cohérence sportive claire, les résultats sur le terrain finiront par s’éroder. Ce club, qui brillait il y a tout juste un an sur la scène européenne avec un jeu cohérent et une âme collective, risque de retomber dans l’anonymat s’il ne recompose pas rapidement une cellule ambitieuse, respectueuse de son identité.
Surtout, Will Still était un pari audacieux et moderne. Voir un coach aussi prometteur plier bagage avant même de débuter son mandat, c’est le symptôme d’un projet mal ficelé, trop symbolique, pas assez enraciné dans une vision à long terme. La passion du public lensois mérite mieux qu’un club géré à vue.
Le projet Lensois doit se réinventer, mais dans la continuité de ce qui l’a rendu populaire : verticalité dans le jeu, plans clairs en coulisses et respect de l’ADN club. Faute de quoi, ce n’est pas seulement un été mouvementé qui se profile, mais une saison entière sur un fil.